Les positions des candidats sur les questions monétaires

Afin de pouvoir voter en connaissance de cause en cette présidentielle 2022, il nous semblait nécessaire de mettre à disposition des citoyens un récapitulatif des positions des candidats sur les questions monétaires.

Nous tenons à préciser que notre association ne prend position en faveur d’aucun parti politique : notre mission est simplement de relater les prises de position factuelles des uns et des autres.

Ceux qui ont des propositions 🙂Ceux qui n’en ont pas (ou peu) 🙄
Fabien Roussel, Jean-Luc Mélenchon, Philippe Poutou, Nathalie Arthaud, Nicolas Dupont-AignanYannick Jadot, Anne Hidalgo, Jean Lassalle, Emmanuel Macron, Valérie Pécresse, Marine Le Pen, Éric Zemmour

Pourquoi ce comparatif ?

Parce que les questions monétaires devraient être un critère de vote majeur pour les élections présidentielles et législatives.
En effet la monnaie n’est pas un simple outil d’échange, mais le moyen par excellence d’organiser le travail et l’activité humaine. Concrètement, les choix de création monétaire et de crédit qui sont faits aujourd’hui déterminent fortement ce à quoi va ressembler la société dans les années à venir.

Or dans le système actuel, sa gouvernance est hors du champ des politiques : la gestion de l’Euro est confiée à des experts, tandis que les orientations données à la création monétaire (les milliards d’euros qui sont créés et détruits chaque jour) sont entièrement déléguées aux banques.

Pour reprendre quelques promesses générales de campagne telles que « atteindre le plein emploi », « préserver notre modèle social », « réindustrialiser la France », « redynamiser les territoires », mettre en place une « planification écologique » ou encore un « patriotisme économique », il nous semble très difficile de les réaliser sans avoir la main sur les politiques de création monétaire.

Devant un candidat qui ferait de telles promesses mais ne s’attaquerait pas aux questions monétaires, nous invitons donc les électeurs à se demander s’il ne s’agit pas d’une supercherie.

Il ne s’agit pas non plus d’ignorer les problématiques fiscales ou d’exercice budgétaire, ou encore d’allègement des lourdeurs administratives, la négociation de traités commerciaux internationaux (etc, etc) qui peuvent avoir leur importance pour réunir les moyens d’une politique « sociale » et/ou « économique ».

Simplement, il nous semble qu’à ce titre les questions monétaires sont l’éléphant au milieu de la pièce.

Pour en savoir plus sur nos conceptions de la création monétaire, c’est par ici.

Les candidats qui ont des propositions

Fabien Roussel

Fabien Roussel

Fabien Roussel propose dans son programme de « faire des crédits bancaires le levier d’un nouveau modèle de développement », à travers « la réorientation des fonds prêtés par la Banque Centrale Européenne aux banques » et « la création d’un pôle public financier par la nationalisation des grandes banques et compagnies d’assurances privées (BNP-Société générale-AXA) ». 1Pour mémoire les 4 principales banques françaises ont été nationalisées en 1945 et pendant toute la période des trente glorieuses.

Concernant la gouvernance de l’euro, il mentionne « qu’il importera de mettre fin à l’indépendance de la Banque centrale européenne et de la placer sous contrôle démocratique des États et des peuples », sans toutefois préciser comment obtenir un tel accord de la part des autres pays membres.

Il y est par ailleurs mentionné que « la France agira pour la convocation d’une conférence sur la dette ».

Jean-Luc Mélenchon

Jean-Luc Mélenchon

Jean-Luc Mélenchon souhaite une modification des statuts de la BCE, mentionnée à la fois dans son programme et dans les fiches Argus fournies à ses militants.

Par ailleurs son programme comporte des sections « Mettre au pas la finance », « pour des banques au service de l’intérêt général », « définanciariser l’économie réelle » et « Refuser le chantage : annuler la dette publique » comportant notamment les mesures suivantes :

  • L’instauration d’« un circuit du Trésor pour sortir la dette publique de la main des marchés financiers »
  • « Séparer les banques d’affaires et de détail »
  • « Accorder une licence bancaire à la Banque publique d’investissement pour lui permettre de se financer auprès de la Banque centrale »
  • « Socialiser les banques généralistes »
  • « Exiger de l’Union européenne que la Banque centrale européenne (BCE) transforme la part de dette des États qu’elle possède en dettes perpétuelles à taux nul »
  • « Réaliser un audit citoyen pour déterminer la part illégitime et préparer un réaménagement négocié »
  • « Contrôler les mouvements de capitaux. »

Certaines de ces mesures étant en opposition avec le fonctionnement des institutions européennes actuelles, Jean-Luc Mélenchon souhaite proposer « aux États et aux peuples européens la rupture concertée avec les traités actuels (plan A) » et précise à court-terme: « nous appliquerons dans tous les cas immédiatement notre programme au niveau national en assumant la confrontation avec les institutions européennes (plan B) ».

Philippe Poutou

Philippe Poutou

Philippe Poutou mentionne à la fois dans son programme et son résumé de 4 pages une « Réquisition des banques privées dans un monopole public bancaire, afin de contrôler démocratiquement le crédit et les investissements », ainsi qu’une « rupture avec les traités européens ».

Il veut en outre «  l’arrêt immédiat du paiement de la dette et de ses intérêts, qui représentent près de 40 milliards d’euros en 2021 », « une enquête publique, militante et populaire, notamment pour rendre publics les comptes des banques » et enfin « l’annulation de la dette publique illégitime ».

Dans sa réponse à notre questionnaire, l’équipe de campagne de Philippe Poutou précise :

« Les politiques néolibérales visent à privatiser de plus en plus la monnaie et sa création et à les soumettre aux logiques du capital : l’indépendance des Banques centrales en est illustration. Notre démarche est inverse : soumettre l’instrument monétaire aux nécessités d’une transformation sociale et écologique dans le cadre d’une planification. Il faudra donc en finir avec l’indépendance de la Banque centrale (ce qui supposera une confrontation avec les institutions de l’Union européenne telle qu’elle est) et socialiser l’intégralité du système bancaire qui devra être réorganisé. »

« Pour ce qui est des aspects internationaux, derrière ces mouvements incessants des capitaux à travers le monde, il y a deux réalités : la spéculation à l’affût du moindre différentiel de taux d’intérêt et la mise en concurrence au niveau mondial des travailleurs/ses par le capital. Des mesures de contrôle des mouvements de capitaux sont donc évidemment nécessaires (ce qui suppose la remise en cause du “secret des affaires”). »

Cliquez ici pour lire la réponse complète de Philippe Poutou à notre questionnaire.

Nathalie Arthaud

Nathalie Arthaud

Nathalie Arthaud souhaite « une nouvelle organisation économique, fondée sur la gestion collective et démocratique des grands moyens de production, une organisation sans bourgeoisie, sans exploitation, sans classes sociales, destinée à satisfaire les besoins fondamentaux de tous ».

Elle considère toutefois que cela ne dépend en aucune façon d’une réforme de la gouvernance de la monnaie, et que celle-ci doit redevenir « un simple instrument de comptabilité publique avant d’être remisée, avec bien d’autres outils des politiques publiques actuelles, au musée du mode de production capitaliste. »

Concernant le système bancaire, elle mentionne qu’« en imposant leur contrôle sur les banques, les travailleurs pourraient permettre aux artisans et aux petits commerçants d’échapper aux griffes des usuriers de la finance. »

Vous pouvez lire sur notre site la réponse de Nathalie Arthaud à notre questionnaire.

Nicolas Dupont-Aignan

Nicolas Dupont-Aignan

Parmi ses « 16 décisions pour rendre aux Français leur liberté et à la France son indépendance », Nicolas Dupont-Aignan propose le « Remplacement de l’Union Européenne destructrice de notre démocratie et réductrice de notre puissance par un nouveau traité instituant une communauté des Nations libres et des projets à la carte. »

Ainsi dans le volet « Remettre la finance au service de l’épargne des français », Nicolas Dupont-Aignan souhaite « réviser le fonctionnement des lois bancaires et financières (1973, 1984, traités de Maastricht & Lisbonne de 1992 et 2008) » afin que la France puisse « directement se refinancer auprès de sa Banque de France, sans passer par les marchés financiers et cela en coordination avec la BCE. »

Pour ce faire il propose un traité alternatif situé en annexe de son programme, sur la base duquel il souhaite renégocier avec les autres pays membres. (Précisons que nous n’avons pas réussi à mettre la main sur ce « traité alternatif », ni dans le pdf du programme ni via une recherche systématique sur le site de campagne…)

Concernant le système bancaire, il propose entre autres les mesures suivantes :

  • « Instaurer un nouveau mécanisme national de renflouement des banques »
  • « Séparer les banques de dépots des banques d’affaires »

Il identifie parmi les causes de la dette publique « l’interdiction à l’état de financer les déficits publics par le circuit de la Banque de France » et propose « la monétisation (rachats de titres de dette) par la Banque de France pour un total de 100 Mds d’€ par an pendant 3 ans, puis 80 Md € pendant 2 ans. » comme l’un des leviers permettant d’assainir les finances publiques.

Les candidats qui n’en ont pas (ou peu)


Yannick Jadot

Yannick Jadot

Les mesures qui sous-tendent les propositions de Yannick Jadot d’établir « une économie au service du climat » et d’« amplifier le Green Deal européen » sont principalement fiscales (ISF, lutte contre les paradis fiscaux, nouvelles taxes à l’échelle européenne) et budgétaires (refléchage d’aides aux entreprises, réforme des règles budgétaires), dont la plupart sont à mettre en place à l’échelle européenne.

L’idée de réorienter les missions de la Banque Centrale Européenne pour des objectifs politiques ou écologiques ne fait pas partie de son programme.

Il propose toutefois d’infléchir l’orientation du système bancaire : « Nous orienterons les placements des banques en leur imposant un malus prudentiel dès lors qu’elles financent des énergies fossiles – a contrario un système de bonus sera mis en place pour celles dont les placements vont très majoritairement vers des placements “verts”. »

Anne Hidalgo

Anne Hidalgo

Le programme d’Anne Hidalgo ne contient pas de proposition concernant la gouvernance de la monnaie et de la création monétaire excepté que « L’euro a pleinement joué son rôle pour donner aux États les liquidités nécessaires pour traverser la crise ».

Comme mentionné dans la rubrique « prioriser l’investissement », les moyens de sa politique sont avant tout fiscaux et budgétaires : « Les ressources pour financer ces dépenses additionnelles seront assurées par l’établissement d’une fiscalité plus juste (ISF Climat et Biodiversité, impôt sur les successions des plus aisés), par la réduction des dépenses publiques défavorables à l’environnement, par la réorientation des financements européens du plan de relance et par les recettes tirées de la bonne santé de notre économie. »

Concernant le système bancaire, elle souhaite imposer « aux banques et aux assurances une pénalité sur l’investissement dans les énergies fossiles et les secteurs les plus polluants », et rendre « obligatoire le respect des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance dans leurs investissements. »

Jean Lassalle

Jean Lassalle

Jean Lassalle souhaite que l’État ne soit « à la solde d’aucune banque ni d’aucune institution étrangère ». Parmi les méthodes qu’il énumère pour y parvenir, les questions de politique monétaire et notamment le fait que les emprunts de la France se fassent sur les marchés financiers, ne sont pas présentes.

Son programme comporte « un audit citoyen de la dette » ainsi que « définir un plan Marshall pour la réindustrialisation de la France », sans toutefois donner de précisions.

Emmanuel Macron

Son programme ne comporte pas de propositions concernant les questions monétaires, l’organisation du système bancaire, la dette publique ou les mouvements de capitaux.

S’il propose « un pacte productif qui nous permette de gagner encore en force et en indépendance économiques » passant par « le plein emploi » et « l’investissement dans la recherche et l’innovation », les moyens pour y parvenir sont une réforme du droit du travail et des retraites, ainsi qu’une baisse des impôts et des charges des entreprises.

Valérie Pécresse

Valérie Pécresse

À l’exception de l’idée « d’orienter l’épargne des Français vers des fonds d’investissements stratégiques pour protéger nos entreprises nationales et régionales » (ce qui est déjà le cas en partie), les questions d’orientation du crédit bancaire, de gouvernance de l’euro ou de politique monétaire ne font pas partie du programme de Valérie Pécresse.

La gestion de la dette publique est pour elle une question de dépenses publiques, comme elle le mentionne dans son programme : « Je m’engage à faire deux fois plus d’économies que de dépenses à l’horizon 2027. C’est la seule façon de casser la spirale de la dette, dans l’intérêt de nos enfants. »

Marine Le Pen

Marine Le Pen

Les notions de gouvernance de la zone euro, d’orientation du système bancaire, de souveraineté monétaire ou de politique monétaire en général ne font pas partie des 22 mesures phare de Marine Le Pen.

À date d’écriture de cet article, son programme ne comporte aucun volet thématique propre à la souveraineté ou au « patriotisme économique ».

Marine Le Pen ne propose pas de restriction concernant la libre circulation des capitaux.

Éric Zemmour

Éric Zemmour

Dans la partie chiffrage de son programme, Éric Zemmour semble considérer la politique monétaire de la Banque Centrale Européenne comme un élément extérieur qui peut influer sur ses objectifs :

« La trajectoire de redressement sera, néanmoins, très dépendante de l’évolution de la conjoncture économique internationale et pourrait être compromise en cas d’augmentation durable des prix de l’énergie, et du pétrole en particulier, de hausse des taux d’intérêt, conséquence d’un resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), et de la stabilisation de l’inflation à un niveau élevé »

Aucune autre mention de la politique monétaire de la BCE n’est présente dans son programme. Il propose de « réorienter la construction européenne vers une Europe des Nations » sans toutefois en préciser le contenu.

Concernant la dette publique, il considère qu’elle est une menace à la souveraineté de la France et déplore que le pays soit « désormais à la merci d’une remontée des taux d’intérêt ». Il ne remet toutefois pas en cause le principe que ces taux d’intérêts soient fixés sur les marchés financiers.

Éric Zemmour ne propose pas de restriction concernant la libre circulation des capitaux.

Conclusion

Nous avons donné ici un aperçu de la présence des questions monétaires dans les programmes.

Il est à déplorer que 4 des 5 candidats ayant des propositions concrètes sur le sujet soient souvent écartés des débats électoraux au titre qu’ils sont « petits », comme ce fût le cas pour la soirée électorale de TF1 du 15 mars dernier.

Il faut néanmoins se rendre à l’évidence : ces questions monétaires qui nous semblent de la plus haute importance sont peut-être encore un sujet de « niche », auquel est sensible une minorité d’électeurs mais qui n’éveille pas l’intérêt de l’ensemble de l’opinion publique… et ne détermine donc pas les résultats électoraux aussi catégoriquement qu’il le mérite.

Et si vous pensez comme nous que cette tendance n’est due qu’à un manque de diffusion, de pédagogie, ou encore de dialogue ; si vous avez confiance en vos proches, collègues et amis dans leur capacité à comprendre et à s’emparer d’une problématique importante dès lors qu’elle est suffisamment bien amenée ; ou si vous avez l’intuition que le bouche-à-oreille peut parfois se répandre aussi rapidement qu’un virus, alors contactez-nous : nous pouvons inverser la tendance d’ici aux prochaines élections nationales.

Si vous-mêmes n’êtes pas convaincus de l’importance de ces questions, nos articles pédagogiques sont faits pour vous. Après lecture n’hésitez pas à écrire un commentaire !

1 réflexion au sujet de « Les positions des candidats sur les questions monétaires »

  1. Bonjour,
    Je viens de découvrir votre existence, et vos préoccupations sont très proches de celles à laquelle répond la monnaie libre. La connaissez-vous ? En voici une présentation vidéo en 15 min : vimeo.com/coriinne/lamonnaielibresansjargon. Avec beaucoup de liens utiles en description.
    La monnaie libre compte à ce jour près de 7000 membres. Êtes-vous déjà en contact avec certains d’entre eux ? Nous discutons sur un forum, où je parlerai de vous dès que nous aurons un peu échangé.

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