Inflation / déflation : les liens entre monnaie et activité économique

Dans l’article précédent nous avons proposé quelques considérations de base sur l’organisation de l’économie réelle, et notamment l’idée que le travail humain (la production humaine de biens et services) peut être considéré comme une extension de la notion de Travail au sens physique du terme.
Nous allons maintenant dire quelques mots sur la relation entre la monnaie et la production de biens échangeables (ou le travail équivalent), et plus particulièrement sur ce qu’on appelle le prix.

Cette question du prix a donné du fil à retordre à des générations de chercheurs, et nous ne la traiterons pas en profondeur ici. Nous considérons d’ailleurs qu’elle n’est pas l’alpha et l’oméga de l’économie. Néanmoins nous devons poser quelques considérations importantes.

Premièrement, nous pouvons poser que le prix se fixe d’un commun accord entre l’acheteur et le vendeur : il dépend de ce que le premier peut (ou veut bien) y mettre, et de ce que le second est prêt à accepter.
On considère ainsi que le prix d’un bien ou d’un service évolue selon le modèle de « l’Offre et la Demande », qui fonctionne un peu comme un système d’enchères : comme dans une salle de vente si la quantité de biens disponibles à la vente (l’offre) est inférieure au nombre d’acheteurs souhaitant l’obtenir (la demande), alors on fera monter le prix jusqu’à ce que des acheteurs se retirent ; dans le cas contraire où les vendeurs sont moins nombreux que les acheteurs, on fera plutôt jouer à la baisse ; Et le « juste » prix sera trouvé au moment où il y aura le même nombre d’acheteurs et de vendeurs. Avec quelques variations sur les modalités, c’est ainsi que fonctionne la plupart des places financières mondiales.

Deuxièmement, nous voudrions avancer ici que lorsque nous parlons d’acheter un « bien », il serait plutôt judicieux de considérer que l’on achète un travail.
Il semble en effet assez naturel (et légitime) que la quantité de travail nécessaire à produire le bien échangé, incluant l’extraction des ressources et la fabrication des outils nécessaires, influe sur les prix 1La définition exacte du « prix naturel » par les économistes classiques comprend également la rente foncière et la rente du capital, que nous avons délibérément écarté ici.. Si un jour vous voyez qu’un bien est vendu très cher alors qu’il est très facile à produire, vous serez sans doute tentés d’en fabriquer vous aussi ; quitte éventuellement à le vendre un peu moins cher pour être sûr de trouver un acheteur. Et au contraire, si un bien est compliqué à produire et ne peut trouver d’acheteur prêt à y mettre le prix, il est très probable qu’il ne sera pas produit du tout.
Cela semble valoir aussi dans le cas d’achat de matière brute ou « ressources », dont le prix semble dépendre moins de la rareté que du travail nécessaire pour se la procurer : il a tendance à augmenter lorsqu’elle de vient plus difficile à trouver et à extraire, et à diminuer lorsque de nouveaux gisements ou modes d’extractions sont découverts 2À titre d’exemple, le rapport d’information n° 105 (2005-2006) du Sénat étudiant les facteurs responsables de la hausse du prix du pétrole fait mention de la réduction des capacités de production, mais pas des réserves disponibles.. (Si vous êtes économiste et que vous travaillez sur ce sujet, nous serions heureux de prendre connaissance de vos travaux !)
On rendrait compte ainsi de la limite des indicateurs économiques comme le PIB, qui ne tiennent compte que des aspects monétaires de l’économie : on peut y lire des échanges et à travers eux une quantité de travail, mais pas la véritable nature de la transformation physique opérée par l’activité humaine.
De même en tant que « consommateur », le fait de choisir ses achats non plus seulement par rapport à la qualité du produit, mais aussi par rapport au mode de production, semble être d’ores et déjà la base d’une consommation éthique et responsable.

Ceci étant dit, le modèle de fixation des prix par la concurrence se complique énormément lorsque les acheteurs et les vendeurs se comportent comme des joueurs ayant chacun une stratégie. Tout est alors possible : achats/ventes massifs dans le but de tirer parti d’une variation brutale des prix, étranglement des producteurs, formation de monopoles mettant l’acheteur en état de dépendance, fausses annonces sur la disponibilité ou l’épuisement d’une ressource, fixation des prix par les états, mise en place d’accords, conglomérats, syndicats, grèves, boycotts, embargos, guerres commerciales, guerre tout-court, etc.

Parmi tous ces facteurs, nous allons nous concentrer sur la gestion de la monnaie en tant que telle, qui joue un rôle important.

Pour comprendre cela, nous imaginons l’économie mondiale comme un « marché ». Par exemple, une grande place au centre-ville où l’on vend des fruits et légumes. À la fin d’une journée une certaine quantité de production a été écoulée, une certaine quantité d’argent a été dépensée par les acheteurs, et à partir de ces deux quantités on peut en déduire le prix moyen des marchandises échangées.
Imaginez maintenant que par un coup de baguette magique, nous doublions la quantité d’argent possédée par les acheteurs. Certains vont être tentés d’acheter beaucoup plus, quitte à épuiser les stocks disponibles. D’autres seront prêts à payer plus cher pour être sûrs d’avoir la meilleure qualité. Les producteurs quant à eux, s’ils sont aussi intelligents et cupides que dans la théorie économique classique, vont chercher à tirer profit de la situation. Certains vont réfléchir à augmenter leur volume pour le jour de marché suivant, et dans l’immédiat ils vont vendre plus cher. Et c’est ainsi qu’une hausse de la quantité de monnaie en circulation va créer une hausse correspondante des prix, en plus de susciter une hausse de l’activité.
Le phénomène inverse se produit si nous doublons le volume de production. Quand bien même la demande pour cette production existerait, nombre d’acheteurs n’auraient pas dans leur portefeuille de quoi se la procurer. Une partie de la production ne pourra tout simplement pas être échangée, et si elle ne peut être stockée elle sera détruite… sauf si les producteurs décident de baisser leurs prix.
La situation est encore plus dramatique si nous divisons par deux la quantité d’argent en circulation. Les producteurs vont devoir brader leurs marchandises, certains d’entre eux feront peut-être faillite. En plus d’avoir un impact sur les prix, la gestion monétaire influencera donc directement l’activité humaine.

Cet exemple a pour but d’illustrer l’existence d’un lien élastique entre la production et la monnaie. Une augmentation de la circulation monétaire sans augmentation égale de la production équivaut à une hausse des prix, ce qu’on appelle « l’inflation ». De même, une baisse de la circulation de la masse monétaire par rapport à la production (ou bien une augmentation de la production sans contrepartie monétaire) équivaut à une baisse des prix, ce qu’on appelle « la déflation ».3Le lien est rendu plus complexe si nous prenons en compte les variations potentielles de vitesse de circulation de la monnaie, comme nous le mentionnerons plus loin.
En général c’est plutôt une bonne idée de stabiliser les prix, c’est d’ailleurs l’objectif premier de bon nombre d’ « Instituts d’Émission » (autrement appelés « Banques Centrales » ou « Banques Nationales ») à travers le monde. Une entreprise quelle qu’elle soit fonctionnera beaucoup mieux si elle n’a pas à vérifier en permanence le prix de ses fournitures et de ses équipements. De même, un citoyen touchant une somme d’argent en échange d’un bien ou de son travail, s’attend à ce que la valeur de son argent ne baisse pas avec le temps ; sans quoi il sera probablement furieux. Dans les deux cas, une instabilité des prix aura un impact négatif sur l’activité humaine.
Dans ce cadre, nous souhaitons faire une constataion importante : nous voyons qu’un monde où la qualité de vie s’améliore, où la production grandit en quantité et/ou en qualité, engendrera une tendance à la déflation (troisième ligne) si rien n’est fait dans le domaine monétaire. Pour maintenir la stabilité des prix (quatrième ligne), il faudra donc que cette augmentation de la production ait pour contrepartie une augmentation de la circulation monétaire : il faudra d’une manière ou d’une autre créer de la monnaie.

Mais nous pouvons aller plus loin : est-il possible que sous certaines conditions, une intervention dans le domaine monétaire puisse servir à provoquer une évolution délibérée de l’activité humaine ? C’est ce que nous allons voir maintenant.

Lire l’article suivant : Organiser l’activité économique par la Création monétaire

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