Dans le cadre de la mise sous tutelle politique de la création monétaire, nous pensons qu’il serait souhaitable d’apporter quelques modifications concernant l’action de l’État.
Elle conduit en effet à redéfinir le rôle de la collecte de l’impôt, et de son usage qu’on appelle le « budget » : le budget de l’État ne devrait en réalité être employé qu’au maintien de l’activité économique et des services publics existants, et non à des investissements ayant pour but un changement dans l’activité ; ces derniers devant légitimement être pris en charge par une création monétaire nouvelle. Dans les pays où l’Institut d’Émission a interdiction de financer les investissements publics (comme dans l’Union Européenne), ces derniers sont souvent reportés sur le budget et creusent ainsi le déficit.1C’est aussi le cas lorsque les investissements sont réalisés via un emprunt aux banques privées, car les intérêts sont pris en charge par le budget en tant que « service de la dette ». En France, ils représentent environ 40 milliards d’euro soit 10 % du budget total.
Il faudrait en réalité définir trois types de revenus et de dépenses : 2Nous nous inspirons ici de la proposition de loi 157 du 22 juillet 1981, rédigée d’après les travaux de Tovy Grjebine, et dont l’approche nous semble tout à fait pertinente.
- La collecte de l’impôt et le budget, qui doivent servir uniquement aux affaires courantes et au maintien de ce qui existe déjà.
- Des emprunts directs à l’Institut d’Émission, finançant les investissements publics décidés dans le cadre de la stratégie économique générale. Ces emprunts peuvent légitimement être consentis sans taux d’intérêt. Ils doivent être remboursés, ce qui est la garantie que l’investissement a été productif. Par contre cette forme de création monétaire ne doit pas en principe financer les affaires courantes, ou alors de manière exceptionnelle.
- En cas de croissance pérenne de l’activité économique, l’Institut d’Émission doit procéder à une création de monnaie permanente.
La manière d’introduire cette monnaie dans le circuit économique pourrait alors être confiée à un « fonds de répartition », constituant un troisième type de budget. L’usage le plus évident de cette monnaie nouvelle serait de la répartir entre tous les citoyens, ou bien de la transmettre aux acteurs responsables de l’augmentation de production « en échange » de celle-ci. Néanmoins d’autres usages seraient tout aussi pertinents : indemniser les laissés-pour-compte d’un changement technique, favoriser en priorité l’achat des biens et services nouvellement développés, la réinvestir dans des projets de modernisation énergétique ou de transition vers des modes de production plus « écologiques ». Ce fonds de répartition peut aussi servir à rembourser les emprunts liés à certains investissements publics, notamment lorsque leur rentabilité consiste en des retombées économiques indirectes qui ne se mesurent que sur l’activité globale (auquel cas d’ailleurs le secteur privé n’aurait pas pu les prendre en charge). L’important est que les décisions concernant l’usage de ces fonds soient liées à la stratégie d’ensemble et en constituent la concrétisation. La quantité de monnaie créée devra par contre être strictement réglementée, afin de n’être ni plus ni point que la contrepartie de l’augmentation du volume de biens et services. Dans le cas contraire, cela pourrait causer un choc inflationniste, en plus de donner raison à tous ceux qui veulent maintenir l’indépendance de l’Institut d’Émission sous prétexte que l’État ne saura jamais s’en servir correctement.
Le respect de ces trois circuits permettra d’éviter les abus et les mauvais usages de ce nouveau pouvoir de création monétaire.
En dehors des émissions monétaires liées à la croissance de l’activité économique, la planche à billets ne doit en aucun cas financer le déficit budgétaire ou la dette publique. Les partisans d’un Institut d’Émission gouverné par des experts ont raison de souligner ce point, mais ils ont tort lorsqu’ils affirment que les abus sont inévitables : si les garde-fous sont connus et bien définis, un élu irresponsable ne pourra pas les franchir ou sera immédiatement sanctionné.
Mais une fois cette séparation mise au clair, la création monétaire permettra de désengorger le déficit budgétaire et d’offrir de nouveaux moyens à l’action publique : les efforts de l’État pour stimuler l’activité économique, alourdissant actuellement le budget à travers des dispositifs coûteux, pourront être pris en charge par du crédit. Les intérêts sur la dette publique pourront être réduits à 0, ce qui libérerait 50 milliards d’euros par an (!) pour revitaliser nos services publics.
Une politique monétaire réussie, à travers le retour au plein emploi sans avoir nécessairement à multiplier les exonérations de cotisations sociales, permettra d’augmenter les revenus et ainsi compléter les moyens dont disposent les pouvoirs publics.
Voilà pour les opportunités offertes quant au rôle de l’État.
Nous allons maintenant clore notre tout d’horizon, en passant en revue les autres piliers qui pourraient constituer notre nouvelle politique monétaire.
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